PARDONNER A SA MERE





Ce matin, ma fille ( 5 ans) terminait d'écrire ses cartes d'invitation pour son anniversaire.
Elle me montre le résultat et je la gronde. En criant.
Parce qu'elle ne s'est pas appliquée à écrire droit, comme je l'aurais souhaité.
Parce que la maman de la petite fille invitée est institutrice, et donc attentive à ce détail.
Parce que je veux faire bonne "impression" et que cela passe par l'écriture de ma fille.
Parce que je viens de passer dix minutes à supporter les chamailleries de ses frères et soeurs et que mon réservoir de patience et de bienveillance s'est vidé.
Parce que c'est le lundi matin, je suis mal réveillée, je n'ai pas encore bu mon café, et que "rien" ne va....
Bref.
Plein de mauvaises raisons, donc, pour tenter de justifier que: je crie sur ma fille un lundi matin ...
Je crie sur elle, pour un détail.
Et mon mari ne manque pas de me le faire remarquer.
C'est de bonne guerre, pour toutes les fois où je le fais aussi.

- Tous tes efforts d'éducation positive, réduits à néant, ce matin. Tu cries.
Touchée en plein mille!!
- Je ne criais pas ...
Bravo la mauvaise foi.
Parfois, on ne se rend pas compte. Ni de ce que l'on dit, ni de comment on le dit à nos enfants...
Première étape: reconnaître son tord.
Ok. Je criais. Et je la critiquais.
Elle me montre le reste.
Elle s'est appliquée. Je la complimente.
Mais, le remords est là.
Alors, avant de la laisser partir, je la câline, et d'une voix radoucie, je m'excuse un peu.
- Maman n'a pas pris son café ce matin. Je n'aurais pas du te crier dessus ainsi, je le reconnais.
Passe une bonne journée ma puce.
Deuxième étape: Se réconcilier. Un bon câlin. ( "C'est bon pour le coeur", comme dirait ma cadette)

Ils partent. Et je me retrouve avec une colère formidable contre moi-même.
Tous ces bouquins, que tu lis, tous ces efforts que tu fais, à quoi bon?
Tu n'y arrives pas...
Je me sens découragée.
Pourquoi est ce si dur?
Peut-être ne suis je pas faîte pour être mère?
A quoi ça me sert d'avoir passé toutes ces années à étudier la psychologie de l'enfant, j'ai l'impression de ne rien avoir intégré, de me retrouver à reproduire indéfiniment les mêmes schémas, malgré mes efforts, mes remises en question, comme si une terrible malédiction s'était abattue sur moi ...
Engluée. Je me sens engluée dans l'autoritarisme.
Je m'accroupis et je soupire.
Combien de fois suis-je une bonne mère par jour et combien de fois suis-je une mauvaise mère par jour? ....
Et par semaine?
Par an?
Pour toute leur enfance ?....
Je me sens vaciller.
Écrasée par l'angoisse de l'avenir de mes enfants.
J'ai vu les études qui démontrent scientifiquement que crier sur, dévaloriser son enfant peut engendrer une mauvaise estime de soi.
Pourtant, c'est ce que je viens de faire ce matin.
Encore une fois.

C'est alors, que je me suis rappelée une conversation avec une amie.

Suite à une conférence de Catherine Gueguen sur son bouquin "Pour une enfance heureuse", elle se sentait bouleversée, s'en voulant pour toutes les fois où elle n'avait pas été bienveillante avec ses enfants.
Culpabilité, quand tu nous tiens....
Je l'avais apaisée:

- Prends du recul par rapport à tout ça. Ce sont des théories. Et comme toute théorie, elles ne s'appliquent pas à la lettre. Être parent demande du "sur mesure". Tu sais vers quoi tu veux aller. Et c'est, je pense ce qui est le mieux pour nos enfants, mais ce ne sera jamais un objectif atteint une bonne fois pour toute. C'est un cap. Et c'est au fur et à mesure que l'on va y arriver. Et même quand on y arrivera, il y aura encore des moments où on échouera. En vérité, ce n'est pas grave. Heureusement, pour nos enfants, on n'est pas parfait!

Finalement, je me rends compte que je suis de meilleur conseil pour les autres que pour moi-même.
Je le sais, que mes enfants se construisent aussi sur nos failles. Que ce que je vis comme un échec est peut-être un détail pour ma fille et qu'à contrario, là où je relativiserai, elle le vivra, elle, comme une véritable défaillance de ma part. Je le sais.
Alors, quoi?
Tout simplement, j'ai beau le savoir. Je veux quand même être cette mère parfaite.
Voilà pourquoi, chaque "loupé" devient douloureux.
Je veux être une mère parfaite.
Parce que je veux que ça existe.
Parce qu'ainsi, je pourrais continuer à en vouloir à ma mère de ne pas l'avoir été.
De ne pas l'être.

Prise de conscience.
Engluée, je le suis.
Engluée dans ma rancune.
J'ai beau le vouloir de toutes mes forces, j'ai beau me répéter que tout le travail de deuil de la "mère idéale" est fait.
Je me retrouve à ce point essentiel.
Pardonner.

Temps que je ne pardonnerais pas à ma mère ses failles, je n'arriverais pas à accepter les miennes.
Et je resterais dans cette souffrance qu'engendre le désir de perfection.
Je veux être une meilleure mère. Pas une mère parfaite.
Mais, au fond, si je suis honnête avec moi-même...
Je veux être une mère parfaite.
Pour de mauvaises raisons, là aussi,c'est indéniable.
Pour montrer à ma mère, tout ce qu'elle n'a pas été.
Pour me venger.

Et c'est à ce niveau que je dois maintenant, lâcher prise.
La petite fille que j'ai été, doit pardonner.
La femme que je suis devenu, doit pardonner.
Je dois te pardonner, maman.
Vraiment. Totalement.
Comme un jour, ma propre fille me pardonnera.
Oui, un jour...
Je l'espère.

Illustration: Sculpture de Martin Hudáčeka, Slovaquie, Octobre 2014.

Commentaires

  1. Merci pour cet article. Vraiment.

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  2. Vraiment magnifique, je suis très touchée, merci.

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  3. Merci...Grâce à vous, me voilà presque prête à pardonner...parce que mes enfants n'ont pas besoin d'une maman parfaite (ça, ma tête le savait déjà, mais c'est autre chose de le vivre) mais d'une maman apaisée ! Merci !

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    1. C'est vrai ce que vous dites là. Une maman sereine vaut toutes les perfections :)

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