SAVEUR DE L'INSTANT
J’imagine que vous avez dû l’entendre vous aussi cette
phrase que l’entourage nous délivre, en particulier, quand nous devenons jeunes
parents.
Personnellement, c’est une phrase qui m’interpelle.
Elle véhicule un sentiment d’urgence. Comme si le temps tout
à coup s’accélérait.
Elle véhicule aussi une certaine nostalgie. Voire même des
regrets.
Les moments de bonheur sont ils, à ce point, éphémères et facilement oubliés ?
Mon aînée sort progressivement de la petite enfance.
Cinq ans.
Et oui.
Le temps passe vite…
C’est une sensation très étrange.
Un jour, vous tenez dans vos bras votre bébé, vous vous extasiez de ses sourires, et du fait
qu’elle sache tenir sa tête toute seule. Et le lendemain, vous donnez la main à une
petite fille qui vous parle du prince qu’elle rencontrera, du métier qu’elle
fera avec sa meilleure amie : docteur des animaux.
Où est passé ce temps, tout ce temps entre les deux ?
Il a filé dans les occupations, les péripéties du quotidien.
Il a filé dans les préoccupations parentales, cette tension
et attention constante aux premières fois de notre enfant.
Et c’est bien ainsi.
La fonction parentale ne peut être dans la demi-mesure.
Tout comme on ne se voit pas vieillir, on ne voit pas
grandir ses enfants.
Acceptons ce déni.
Il nous protège de notre angoisse de mort.
Mais comment apprendre à saisir l’instant présent au vol et s’y
abreuver ?
Cueillir son bonheur, nécessite parfois un léger
mouvement de recul.
Vous marchez dans la rue, pressant le pas parce que bien
sûr, vous êtes en retard…
Vos enfants vous entourent et courent presque pour suivre le
rythme. Vos pensées sont tournées sur les excuses que vous allez devoir présenter
à la prof de danse et en même temps, vous vous reprochez d’avoir perdu du temps
à cause du goûter, en particulier ce biberon que votre fils, dans sa poussette,
ne veut pas. Vous le savez pourtant ! Il veut ce que mangent ses sœurs.
Que voyez vous de ce qui vous entoure ?
Peu de choses à vrai dire… Ou plutôt, vous observez la rue
et ses obstacles, dans un souci d’anticipation. Là, le passage piéton. Là, la
crotte de chien à éviter…
Vous désirez gagner
du temps…
Les mauvaises habitudes ont la vie dure…
Mais voilà.
Votre fils se met à crier. Il vient de faire tomber son
pain. Vous stoppez net et êtes déjà en train de vous baisser pour le ramasser…
Vos doigts le touchent, mais touchent aussi autre chose…
Des pétales de fleurs.
Vous levez la tête, surprise. Vous êtes toujours accroupie.
Au dessus de vous, les cerisiers perdent leurs fleurs par
milliers.
Une neige fine et douce qui caresse votre visage.
Le printemps dans toute sa splendeur.
Regardez les enfants !
Vos filles lèvent les bras pour tenter de les attraper, ces fleurs
qui pleuvent.
Leur parfum vous parvient. Enivrant.
Vous demeurez immobile. Saisie.
Un tel bonheur s’engouffre en vous !
Là. Tout à coup.
Vos enfants rient et tournoient. Vous les contemplez dans la
lumière blanche du printemps.
Cette lumière qui joue avec les contours de leurs visages,
qui rebondit et tressaille dans leurs cheveux.
Cet instant,
Dans son authenticité.
Dans sa simplicité
Se déploie en vous.
Vous éprouvez alors tellement d’amour, d’admiration et de
gratitude.
Et cet instant,
Même si vous vous relevez et reprenez la
route...
Cet instant
Vous appartient désormais.
Il restera gravé dans votre mémoire et dans votre cœur.
Quelques pétales de fleurs dans votre poche
Vous en rappelleront la saveur.
Ces petits riens qui comptent pourtant tellement.
Ces petits dons de notre monde
Ces secondes éternelles
Sont à cueillir
Avec notre coeur.
Illustration: Fleurs de cerisier
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